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CORINNE OU L’ITALIE.

Je partais ; il ne crut pas nécessaire de m’en dire davantage.

— Si je pouvais être utile à mon pays, je resterais, continua-t-il ; mais vous le voyez, il n’y a plus de France. Les idées et les sentimens qui la faisaient aimer n’existent plus. Je regretterai encore le sol ; mais je retrouverai ma patrie quand je respirerai le même air que vous. — Combien je fus ému des touchantes expressions d’une amitié si vraie ! combien en ce moment Raimond l’emportait sur sa sœur dans mes affections ! Elle le devina bien vite, et ce soir là même je la vis sous un point de vue nouveau. Il arriva du monde, elle fit les honneurs de chez elle à merveille, parla de mon départ avec la plus grande simplicité, et donna généralement l’idée que c’était pour elle l’événement le plus ordinaire. J’avais déjà remarqué dans plusieurs occasions qu’elle mettait un tel prix à la considération, que jamais elle ne laissait voir à personne les sentimens qu’elle me témoignait ; mais cette fois c’en était trop, et j’étais tellement blessé de son indifférence, que je résolus de partir avant la société et de ne pas rester seul un moment avec elle. Elle vit que je m’approchais de son frère pour lui demander de me dire adieu le lendemain matin avant mon départ ; alors elle vint