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CORINNE OU L’ITALIE.

qu’il trouvait à dénaturer sa fortune pour venir me joindre ; mais sa persévérance dans ce projet était la même. Je l’aimais toujours ; mais quel ami pouvais-je comparer à mon père ! Le respect qu’il m’inspirait ne gênait pas ma confiance. J’avais foi aux paroles de mon père comme à un oracle, et les incertitudes qui sont malheureusement dans mon caractère cessaient toujours dès qu’il avait parlé. Le ciel nous a formés, dit un écrivain anglais, pour l’amour de ce qui est vénérable. Mon père n’a pas su, il n’a pu savoir à quel point je l’aimais, et ma fatale conduite a dû l’en faire douter. Cependant il a eu pitié de moi ; il m’a plaint en mourant de la douleur que me causerait sa perte. Ah ! Corinne, j’avance dans ce triste récit, soutenez mon courage, j’en ai besoin. — Cher ami, lui dit Corinne, trouvez quelque douceur à montrer votre ame si noble et si sensible devant la personne du monde qui vous admire et vous chérit le plus. —

Il m’envoya pour ses affaires à Londres, reprit lord Nelvil, et je le quittai lorsque je ne devais plus le revoir, sans qu’aucun frémissement m’avertît de mon malheur. Il fut plus aimable que jamais dans nos derniers entretiens ; on dirait que l’ame des justes donne,