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CORINNE OU L’ITALIE.

temps mille occasions de ranimer l’interêt et la pitié. La santé de madame d’Arbigny paraissait aussi tous les jours plus faible ; et c’est encore un terrible moyen de domination pour les femmes que la maladie. Celles qui n’ont pas comme vous, Corinne, une juste confiance dans leur esprit et dans leur ame, ou celles qui ne sont pas, comme nos Anglaises, si fières et si timides que la feinte leur est impossible, ont recours à l’art pour inspirer l’attendrissement ; et le mieux que l’on puisse attendre d’elles alors, c’est que leur dissimulation ait pour cause un sentiment vrai.

Un tiers se mêlait à mon insçu de mes relations avec madame d’Arbigny ; c’e’tait M. de Maltigues : elle lui plaisait ; il ne demandait pas mieux que de l’épouser. Mais une immoralité réfléchie le rendait indifférent à tout ; il aimait l’intrigue comme un jeu, même quand le but ne l’intéressait pas, et secondait madame d’Arbigny dans le désir qu’elle avait de s’unir à moi, quitte à déjouer ce projet si l’occasion de servir le sien se présentait. C’était un homme pour qui j’avais un singulier éloignement : à peine âgé de trente ans, ses manières et son extérieur étaient d’une sécheresse remarquable. En Angleterre, où l’on nous accuse d’être froids,