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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/68

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CORINNE OU L’ITALIE.

la société aux affections naturelles. Elle pleurait parce qu’elle était émue ; mais elle pleurait aussi parce que c’est ainsi qu’on attendrit. Elle était heureuse d’être aimée, parce qu’elle aimait, mais aussi parce que cela fait honneur dans le monde ; elle avait de bons sentimens quand elle était toute seule, mais elle n’en jouissait pas si elle ne pouvait les faire tourner au profit de son amour-propre ou de ses désirs. C’était une personne formée par et pour la bonne compagnie, et qui avait cet art de travailler le vrai qui se rencontre si souvent dans les pays où le désir de produire de l’effet par ses sentimens est plus vif que ces sentimens mêmes.

Je n’avais pas, depuis long-temps, de nouvelles de mon père, parce que la guerre avait interrompu sa correspondance avec moi. Une lettre enfin m’arriva par une occasion ; il m’adjurait de partir au nom de mon devoir et de sa tendresse ; il me déclarait en même temps, de la manière la plus formelle, que si j’épousais madame d’Arbigny, je lui causerais une douleur mortelle, et me demandait au moins de revenir libre en Angleterre, et de ne me décider qu’après l’avoir entendu. Je lui répondis à l’instant, en lui donnant ma parole d’honneur que je ne me marierais pas sans son consente-