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CORINNE OU L’ITALIE.

épouse un troisième ; car c’est une personne d’une haute sagesse que ma cousine, et qui, lors même qu’elle aime, prend toujours de sages précautions pour le cas où on ne l’aimerait plus. Vous apprendrez tout cela par ses lettres, je vous les laisse après moi ; vous les trouverez dans mon secrétaire dont voici la clef. Je suis lié avec ma cousine depuis qu’elle est au monde, et vous savez que, bien qu’elle soit très-mystérieuse, elle ne me cache aucun de ses secrets ; elle croit que je ne dis que ce que je veux ; il est vrai que je ne suis entraîné par rien ; mais aussi je ne mets pas d’importance à grand’chose, et je pense que nous autres hommes nous nous devons de ne nous rien taire à l’égard des femmes. Aussi-bien si je meurs c’est pour les beaux yeux de madame d’Arbigny que cet accident m’arrivera, et quoique je sois prêt à périr pour elle de bonne grâce, je ne lui suis pas trop obligé de la situation où elle m’a mis par sa double intrigue. Au reste, ajouta-t-il, il n’est pas dit que vous me tuerez ; — et en achevant ces mots, comme nous étions hors de la ville, il tira son épée et se mit en garde.

Il avait parlé avec une vivacité singulière, et j’étais resté confondu de ce qu’il m’avait dit. L’approche du danger, sans le troubler, l’ani-