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CORINNE OU L’ITALIE.

mait pourtant davantage, et je ne pouvais deviner si c’était la vérité qu’il trahissait, ou le mensonge qu’il forgeait pour se venger. Néanmoins, dans cette incertitude, je ménageai beaucoup sa vie ; il était moins adroit que moi dans les exercices du corps, et dix fois j’aurais pu lui plonger mon épée dans le cœur, mais je me contentai de le blesser au bras, et de le désarmer. Il parut sensible à mon procédé, et je lui rappelai, en le conduisant chez lui, la conversation qui avait précédé l’instant où nous nous étions battus. Il me dit alors : — Je suis fâché d’avoir trahi la confiance de ma cousine, le péril est comme le vin, il monte la tête ; mais enfin, je m’en console ; car vous n’auriez pas été heureux avec madame d’Arbigny ; elle est trop rusée pour vous. Moi, cela m’est égal, car bien que je la trouve charmante, et que son esprit me plaise extrêmement, elle ne me fera jamais rien faire à mon détriment, et nous nous servirons très-bien en tout, parce que le mariage rendra nos intérêts communs. Mais vous, qui êtes romanesque, vous auriez été sa dupe. Il ne tenait qu’à vous de me tuer et je vous dois la vie, je ne puis donc vous refuser les lettres que je vous avais promises après ma mort. Lisez-les, partez pour l’Angleterre, et ne soyez pas trop tourmenté