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CORINNE OU L’ITALIE.

prend-il son vol de ce sommet ? Si je ne voyais pas ton céleste regard je perdrais ici jusqu’au souvenir des œuvres de la divinité qui décorent le monde ; et cependant cet aspect de l’enfer, tout affreux qu’il est, me cause moins d’effroi que les remords du cœur. Tous les périls peuvent être bravés, mais comment l’objet qui n’est plus pourrait-il nous délivrer des torts que nous nous reprochons envers lui ? Jamais ! Jamais ! Ah ! Corinne, quelle parole de fer et de feu ! Les supplices inventés par les rêves de la souffrance, la roue qui tourne sans cesse, l’eau qui fuit dès qu’on veut s’en approcher, les pierres qui retombent à mesure qu’on les soulève, ne sont qu’une faible image pour exprimer cette terrible pensée, l’impossible et l’irréparable ! —

Un silence profond régnait autour d’Oswald et de Corinne ; leurs guides eux-mêmes s’étaient retirés dans l’éloignement ; et comme il n’y a près du cratère ni animal, ni insecte, ni plante, on n’y entendait que le sifflement de la flamme agitée. Néanmoins, un bruit de la ville arriva jusques dans ce lieu ; c’était le son des cloches qui se faisait entendre à travers les airs : peut-être célébraient-elles la mort, peut-être annonçaient-elles la naissance ; n’importe, elles causèrent une douce émotion aux voyageurs.