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CORINNE OU L’ITALIE.

mer, et la nature est embrasée par cette triple image du feu.

Le vent se fait entendre et se fait voir par des tourbillons de flamme dans le gouffre d’où sort la lave. On a peur de ce qui se passe au sein de la terre, et l’on sent que d’étranges fureurs la font trembler sous nos pas. Les rochers qui entourent la source de la lave sont couverts de souffre, de bitume, dont les couleurs ont quelque chose d’infernal. Un vert livide, un jaune brun, un rouge sombre, forment comme une dissonance pour les yeux, et tourmentent la vue, comme l’ouïe serait déchirée par ces sons aigus que faisaient entendre les sorcières quand elles appelaient, de nuit, la lune sur la terre.

Tout ce qui entoure le volcan rappelle l’enfer, et les descriptions des poètes sont sans doute empruntées de ces lieux. C’est là que l’on conçoit comment les hommes ont cru à l’existence d’un génie malfaisant qui contrariait les desseins de la Providence. On a du se demander, en contemplant un tel séjour, si la bonté seule présidait aux phénomènes de la création, ou bien si quelque principe caché forçait la nature, comme l’homme, à la férocité. — Corinne, s’écria lord Nelvil, est-ce de ces bords infernaux que part la douleur ? L’ange de la mort