Page:De la Houssaye - Les petits soldat.djvu/9

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heureux que le ciel a fait vos esclaves, vous en faites vos martyres, vous les battez, les injuriez au lieu de les protéger comme c’est votre devoir. Vous vous croyez bien au-dessus d’eux… mais là, mon fils, vous vous trompez… C’est Dieu qui a fait tous les hommes et il les a faits tous égaux à ses yeux… Si vous ne savez pas commander à vos passions, mon enfant, si vous continuez à tourmenter, à humilier vos semblables, tous vous détesteront. Personne ne voudra plus jouer avec vous et quand vous serez grand, on vous fuira comme on fuit un méchant animal et vous n’aurez pas un ami dans le monde. »

Gustave sanglotait ; tout méchant qu’il était quelquefois, il aimait sa mère et se sentait bien sensible à ses reproches. Il lui jeta les deux bras autour du cou, trop ému pour pouvoir prononcer une parole. Madame Delavaine le serra sur son cœur.

« Tu sais que je t’aime ! dit-elle ; je n’ai d’autre bonheur que celui qui me vient de toi. Si tu continues à être grossier et méchant, si tu ne te corriges pas, je mourrai de douleur… et dis, Gustave, voudrais-tu être la cause de la mort de ta mère ? »

Pour toute réponse, Gustave couvrit de baisers et de larmes les mains et la figure de sa mère et au bout d’un moment : « Oh ! non maman, ma chère maman ! s’écria-t-il, je ne veux pas que tu meures… je veux que tu vives, que tu sois heureuse… et je me corrigerai… je deviendrai bon, tu verras ! »

Et en effet, Gustave fit si bien ; il s’observa avec tant d’efforts pendant trois jours que madame Delavaine commença à espérer qu’il tiendrait sa promesse.

Son jeu favori était toujours celui des soldats et la cour de devant, la cour qui faisait face au