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Page:De la Houssaye - Pouponne et Balthazar, 1888.djvu/152

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Et Balthazar de sa voix mâle commença le récit de la bataille de Condiac et de l’incendie du presbytère de Grand Pré. Le vieillard en l’écoutant ne put s’empêcher de s’écrier dans l’épanchement d’une joie sombre :

— Ah ! c’est bien, mon gars, ces coups là, vois-tu, ça soulage la vieillesse de ton père.

Le père Landry avait toujours, au fond du cœur, nourri une haine profonde contre l’Angleterre ; cette haine ne s’était pas refroidie avec l’âge, au contraire : ses nouveaux malheurs l’avaient envenimée et laissaient son âme toute saturée de ce sentiment. Il ne pouvait se lasser d’écouter ce fils de sa tendresse qui avait si bien hérité de son amour national. En l’écoutant une vigueur inusitée s’emparait de ses membres, sa figure s’illuminait, une exaltation depuis longtemps disparue rallumait la vie dans son être. Tout symptôme de caducité disparaissait de son visage ; il s’était maintenant redressé sur son lit. Comme Lazarre sortant de la tombe à la voix du divin maître, il revenait à la vie, à la voix de l’enthousiasme et