Page:De la Houssaye - Pouponne et Balthazar, 1888.djvu/160

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tune si elle ne vous accable pas, vous… Si vous savez la supporter avec calme, avec résignation.

— Peux-tu marcher longtemps, mon enfant ? endurer le froid et la faim ? demanda encore le vieillard, parlant comme quand on parle dans un rêve.

Les témoins de cette scène se regardaient avec consternation ; bien certainement le pauvre vieux parlait sans savoir ce qu’il disait ; mais la noble enfant à qui il s’adressait était prête à tout pour adoucir ses derniers moments. Elle répondit :

— Vous savez bien, père, que j’ai marché depuis Boston jusqu’ici, et que j’ai vu des hommes épuisés de fatigue tomber morts à mes côtés.

— C’est vrai, ma fille ! c’est vrai ! et j’t’aime pour ta bravoure ! Dis-moi : la nuit est-elle bien noire ?

— L’orage ne fait que cesser, mais le ciel est brillant d’étoiles.

— Eh bien, ma p’tite, partons.

— Partir ! pauvre père ! s’écria la jeune fille avec consternation.

— Oui. Va mettre à part ce qu’il nous faudra pour le voyage ; fais deux paquets, un gros et un petit… fais le petit bien léger pour qu’y ne t’donne