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de soldats, sans vivres et sans munitions… et, il a fallu se rendre.

— Et le pays est perdu ?

— Perdu sans ressources, répondit Balthazar qui n’osait regarder son père.

À peine le jeune homme eut-il laissé échapper ces paroles qu’il comprit qu’elles tombaient comme la foudre sur son vieux père ; mais la question lui avait été posée si implicitement, elle était par sa nature si difficile à éluder, qu’il n’aurait pas pu le faire sans mentir, et un vrai fils de l’Acadie ne sait pas mentir. Le vieillard oscilla comme un arbre sous un grand vent, mais il ne fut pas renversé sur le coup.

— Pouponne… murmura-t-il en faisant un effort pour se tenir assis sur son lit, Pouponne, approche, mon enfant.

La jeune fille accourut vers lui : il lui passa un bras autour du cou et il ajouta d’un accent brisé :

— As-tu du courage, ma petite fille ?

— Oui père, répondit-elle, je suis exercée au malheur depuis l’âge de quatorze ans et j’en ai à peine vingt… J’endurerai bien cette nouvelle infor-