Page:De la Houssaye - Pouponne et Balthazar, 1888.djvu/164

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par une force dix fois plus forte que la nôtre, je fus fait prisonnier et jeté dans une affreuse prison où je demeurai deux années souffrant des tortures que seulement la haine la plus raffinée pouvait inventer. Après la dispersion de notre armée, on ouvrit les portes de ma prison ; mais, pour m’en laisser sortir, on exigea de moi le serment que vous me reprochez. Prévoyant que mon vieux père devait être quelque part, épuisé par la misère et par l’âge, je me suis dit que mon devoir était de le chercher pour soulager son infortune. Espérant aussi pouvoir retrouver celle que j’aimais, je jurai, des lèvres seulement, de me soumettre aux Anglais, à ces maudits que je me proposais de fuir pour toujours… Notre armée n’existait plus, donc je ne pouvais la rejoindre… La France avait abandonné ses soldats, elle les avait reniés… était-ce un crime de notre part de la renier à notre tour, surtout quand il s’agissait du salut de ceux que nous aimions ? Ma patrie était perdue… je ne pouvais plus rien faire pour elle. Je crus, en abandonnant les deux années de salaire que me doit le roi de France,