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morts, elle portait ce deuil au fond de son âme. On ne la voyait jamais se mêler aux bals et aux fêtes du campement. Ses seules visites étaient celles qu’elle faisait à l’église tous les dimanches.

Le visage de Pouponne, quoi qu’en eût dit Zozo, était doué d’une expression céleste qui excitait l’étonnement autant que l’admiration ; en la voyant, on devinait la sainte, et le regard s’élevait, dans l’espoir de découvrir son auréole. Quoique ses traits eussent peut-être perdu un peu de leur fraîcheur, et son regard de son ancienne gaîté, Pouponne était encore admirablement belle. Comme je l’ai dit, un voile de tristesse assombrissait l’éclat de cette beauté. Ses grands yeux noirs, toujours si tristes, avaient conservé une douceur qui leur donnait un charme ineffable, et, lorsqu’elle souriait, ce qui arrivait rarement aujourd’hui, ce sourire illuminait toute sa physionomie et laissait voir, entre deux lèvres de corail deux rangs de petites dents blanches et bien rangées. En regardant cette enfant sans éducation, cette petite Cadienne qui n’avait jamais entrevu