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Page:De la Houssaye - Pouponne et Balthazar, 1888.djvu/90

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jetant un regard sur quelques groupes de femmes qui pleuraient, sur les enfants endormis, il dit à voix haute :

— « Mes gars, c’est l’heure de se mettre en route… faut qu’vous soyez loin d’ici au soleil levant.

« Alors il s’ouvrit une voie devant le vieillard et, au milieu de ses fils, de ses filles et de ses brus, il sortit le premier, tenant par la main le fils ainé de Norbert, âgé de sept ans. La conversation avait été peu animée dans la maison : les voix étaient altérées, les phrases entrecoupées par les sanglots… elle cessa tout-à-fait sur le seuil de la porte.

« À côté de ceux qui allaient partir, se rangeaient ceux qui restaient, et tous portaient quelques fardeaux, quelques objets d’utilité journalière. Cette procession se dirigea silencieuse, au milieu des ténèbres, vers l’embouchure de la Gaspéreau, où l’attendait la grande embarcation qui allait amener les exilés volontaires. Les derniers de cette procession, venaient Balthazar et Pouponne appuyés l’un sur l’autre, et le cœur agité des plus sombres pressentiments. Aucun étranger, pas un ami, n’accompagnait les