Page:Debans - Un duel à vapeur, 1895.djvu/16

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Quant à moi, qui n’avais pas réfléchi à l’effet que produiraient sur mon esprit les railleries que j’appliquais aux autres, je me mis, — comme un imbécile, — dans une violente colère. Je pâlis, mes yeux s’injectèrent de sang, et toute ma face était hideuse de fureur. La foule, insultée par moi, riait de plus belle à chaque injure que ma furie me dictait.



Il en résulta que je devins encore plus enragé.

Il en résulta naturellement que je devins encore plus enragé, et que je frappai deux ou trois personnes. Cette action déraisonnable pouvait m’attirer le mépris de miss Ellen et les représailles de la foule ; mais je n’avais plus conscience de rien. Nous sommes généralement comme cela dans l’humanité !

Le public n’avait pas bien pris du tout les quelques horions que j’avais distribués, et je sentais, malgré ma folie passagère, qu’on allait me faire un mauvais parti.

Mais Tom Tompson s’approcha de moi, me mit la main sur l’épaule, comme s’il eût voulu prendre possession de quelque chose qui fût à lui, et, se tournant vers la foule, il dit :

« Cet homme, ladies and gentlemen, cet homme m’appartient. J’ai cru d’abord qu’il rirait, comme je venais de le faire, des disgrâces dont la nature l’a gratifié ; mais il se fâche, il tombe colère et frappe de droite et de gauche. Il juge donc que nous l’avons insulté. Pour être logique, il devra convenir que j’ai été insulté aussi, et par lui, qui a commencé. Un combat entre nous deux peut seul finir cette querelle, et je vous prie de me le laisser tout entier, afin que j’aie pour adversaire un homme et non un invalide. »