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IV


Il faisait très beau. J’ignore complètement si je dois attribuer ma bravoure à l’état de l’atmosphère ; mais il est certain que j’étais crâne, ce matin-là, à un degré incalculable.

On a remarqué que les révolutions sont bien plus tôt faites et les batailles plus tôt gagnées lorsque le ciel est pur de tout nuage, ou tout au moins quand il ne pleut pas.

Le brouillard et la pluie refroidissent singulièrement le courage des hommes, et l’on n’aime pas mourir par un mauvais temps. Sans disserter plus longuement sur ce sujet, je n’ajouterai qu’une dernière preuve : beaucoup, mais beaucoup de spleenétiques ou de désespérés ont remis leurs projets de suicide à une époque indéterminée, parce que l’eau de la rivière au fond de laquelle ils allaient se jeter leur semblait grise et froide.

Quoi qu’il en soit, j’étais fort décidé à mourir comme un héros, quoique plusieurs fois déjà, même en mettant mes chaussettes, le matin même, je me fusse dit que j’allais me faire tuer comme un imbécile, sans profit pour personne, pas même pour moi.

Mais enfin j’avais une loupe, et Tom Tompson une verrue ; il fallait bien que nous subissions les conséquences de cette malveillance de dame nature.

Bref, quand je fus au grand air, filant un nombre considérable de milles à l’heure, je ne pensais plus qu’à écraser Tom, qui d’ailleurs me paraissait mettre un acharnement singulier à me rencontrer avec sa locomotive. Je ne voulais apparemment pas me rappeler que c’était moi qui avais proposé la chose.

J’avais fait 48 milles — vous n’exigez pas le