Page:Debans - Un duel à vapeur, 1895.djvu/48

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rapides qui soient au monde.

Sur Black-River existe un pont de cette sorte. À mesure que j’avançais, j’acquérais la certitude que nous allions nous rencontrer sur le pont, et que ce choc serait effroyable dans ses conséquences.

Par suite d’une courbe assez vivement accusée, ni Tom Tompson ni moi ne pouvions voir le pont. Mais la voie ferrée côtoyant pendant quelques milles les deux rives opposées de Black-River, j’aperçus la fumée de sa machine ; il devait voir la vapeur de la mienne.

C’en était fait, cette fois. Pas le moindre aiguilleur qui pût contrarier notre projet, pas le moindre train auquel nous dussions nous heurter avant de nous briser l’un contre l’autre. Le thermomètre de ma gaieté baissa de plusieurs degrés, je dois en convenir.

Cependant je ne faiblis pas. Je bourrai ma machine de charbon, et je me plantai debout sur le tender.

Il était maintenant certain que nous devions nous broyer au milieu de la rivière.

Mais au moment où l’un et l’autre, nous eussions dû entrer sur ce pont de malheur, j’entendis un craquement terrible sur la rive de Tom Tompson, et avant que j’eusse pu me faire une idée de ce qui se passait, un autre craquement, plus épouvantable encore, retentit à mes oreilles, et j’aperçus le vide devant moi, à mes côtés, partout…