Page:Debussy - Monsieur Croche, 1921.djvu/36

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cahier où sont notés plus de deux cents aspects différents de l’idée conductrice du finale de cette symphonie témoigne de sa recherche obstinée et de la spéculation purement musicale qui la guidait (les vers de Schiller n’ont vraiment là qu’une valeur sonore). Il voulait que cette idée contînt son virtuel développement et, si elle est en soi d’une prodigieuse beauté, elle est magnifique par tout ce qu’elle répondit à son attente. Il n’y a pas d’exemple plus triomphant de la ductilité d’une idée au moule qu’on lui propose ; à chaque bond qu’elle fait, c’est une nouvelle joie ; cela, sans fatigue, sans avoir l’air de se répéter ; on dirait le chimérique épanouissement d’un arbre dont les feuilles jailliraient toutes à la fois. Rien dans cette œuvre aux proportions énormes n’est inutile ; pas même l’andante, que de récentes esthétiques accusèrent de longueur ; n’est-il pas un repos délicatement prévu entre la persistance rythmique du scherzo et le torrent instrumental roulant invinciblement les voix vers la gloire du finale ? Au surplus, ce Beethoven avait écrit huit symphonies, le chiffre 9 devait donc s’imposer d’une façon presque fatidique à son esprit, et Beethoven s’imposa, lui, de se surpasser ; je ne vois guère qu’on puisse douter qu’il y ait réussi. Quant à l’humanité débordante qui fait éclater les limites habituelles de la symphonie, elle jaillit de son âme, laquelle, ivre de liberté, se meurtrissait, par une ironique