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Page:Debussy - Monsieur Croche, 1921.djvu/42

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ne s’est traduite par des moyens aussi simples ; cela ressemble à un art de curieux sauvage qui découvrirait la musique à chaque pas tracé par son émotion ; il n’est jamais question non plus d’une forme quelconque, ou du moins cette forme est tellement multiple qu’il est impossible de l’apparenter aux formes établies — on pourrait dire administratives : cela se tient et se compose par petites touches successives, reliées par un lien mystérieux et par un don de lumineuse clairvoyance ; parfois aussi Moussorgski donne des sensations d’ombre frissonnante et inquiète qui enveloppent et serrent le cœur jusqu’à l’angoisse. — Dans la Chambre d’enfants, il y a la prière d’une petite fille avant qu’elle ne s’endorme, où sont notés les gestes, le trouble délicat d’une âme d’enfant, et même les manières délicieuses qu’ont les petites filles de poser à la grande personne, avec une sorte de vérité fiévreuse dans l’accent qui ne se trouve que là. — La Berceuse de la poupée semble avoir été devinée mot à mot, grâce à une assimilation prodigieuse, à cette faculté d’imaginer des paysages d’une féerie intime, spéciale aux cerveaux enfantins ; la fin de cette berceuse est si doucement sommeillante que la petite raconteuse s’endort à ses propres histoires. — Il y a aussi le terrible petit garçon, à cheval sur un bâton, qui transforme la chambre en un champ de bataille : cassant un bras par-ci, une jambe par-là à de pauvres