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Page:Debussy - Monsieur Croche, 1921.djvu/78

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et polisson, gentil faiseur de farces, qu’on pouvait se rendre secourable en l’appelant « Hobgoblin et gentil Puck ».

Mais je me suis souvenu surtout d’un homme, à peu près oublié, au moins au théâtre. Je le voyais traînant dans les rues de Londres un corps usé par la lumière aiguë, le front au rayonnement spécial à ceux derrière lesquels il s’est passé de belles choses. Il allait, soutenu par un désir fiévreux de ne point mourir avant d’avoir entendu cette œuvre testamentaire, faite de la chaleur douloureuse des dernières gouttes de son sang. Par quel effort avait-il obtenu qu’elle contînt encore de cet emportement fougueux, de ces rythmes de chevauchées romantiques qui avaient si soudainement mis en valeur son jeune génie ? Nul ne le saura jamais… Elle contenait, cette œuvre, la sorte de rêveuse mélancolie, si personnelle à cette époque, et jamais alourdie par l’indigeste clair de lune allemand, dans lequel se baignaient presque tous ses contemporains.

Cet homme avait été inquiété, peut-être le premier, par le rapport qu’il doit y avoir entre l’âme innombrable de la nature et l’âme d’un personnage. Plus sûrement, il avait eu l’idée d’utiliser la légende, pressentant ce que la musique y trouverait d’action naturelle. En effet, la musique a seule le pouvoir d’évoquer à son gré les sites invraisemblables, le