Page:Defoe - Lady Roxana.djvu/125

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le procès que je n’étais pas sa femme, mais sa maîtresse, c’est-à-dire, en anglais, une catin, a whore, auraient immédiatement réclamé les joyaux, puisque j’avais avoué qu’ils étaient à lui.

Cette idée me traversa la tête aussitôt que le marchand hollandais m’eût dit les vilaines choses qui étaient dans la cervelle de ce Juif maudit. Le gredin (car il faut que je l’appelle ainsi) convainquit le marchand hollandais que son projet était sérieux par une proposition qui mettait à jour le reste de son dessein : c’était de faire un complot pour mettre la main sur la totalité des joyaux.

Lorsqu’il avait d’abord fait entendre au Hollandais que les joyaux appartenaient à telle personne (c’est-à-dire à mon mari), il avait poussé des exclamations d’étonnement sur ce qu’ils étaient restés si longtemps cachés : Où ont-ils dû être déposés ? Qu’est-ce que cette femme qui les apporte ? Elle (c’était moi qu’il voulait dire) devait être immédiatement appréhendée au corps, et remise aux mains de la justice. — C’est à ce moment que, comme je l’ai dit, il faisait de si épouvantables gestes et qu’il me regardait comme s’il eût été le diable.

Le marchand l’entendant parler sur ce ton et voyant qu’il était sérieux, lui dit :

« Retenez un peu votre langue. C’est une affaire de conséquence. Puisqu’il en est ainsi, allons dans la chambre à côté et consultons là-dessus. »

Ils se retirèrent alors et me laissèrent seule.

Là, comme je l’ai raconté, je devins inquiète, et appelai le marchand ; et, ayant appris ce qui se passait, je lui donnai pour réponse que j’étais la femme, ou la veuve, du joaillier ; sur quoi le méchant Juif dit que cela ne servirait pas mes plans. Ce fut alors que le Hollandais le prit à part de nouveau ; et, au moment où il se retirait, celui-ci le voyant, comme je l’ai dit, sérieusement décidé, fit un peu semblant d’être de son avis et entra en négociations avec lui sur le fond de l’affaire.

Ils convinrent d’aller demander à un avocat, ou conseil, la manière de procéder, et de se rencontrer le lendemain, à une heure que le marchand devait me fixer et où je reviendrai avec les joyaux pour les vendre.