Page:Defoe - Lady Roxana.djvu/134

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pas naufrage dans la tempête, et que j’espérais que nous ne serions pas noyés ; il était vrai que la tempête était épouvantable, mais je ne voyais pas que les matelots fussent aussi inquiets que nous l’étions. Je lui parlai ainsi aussi bien que je le pouvais, quoique mon cœur fût assez gros, tout comme le sien. La mort commençait à me regarder en face, et aussi quelque chose de plus, je veux dire, la conscience ; et mon esprit était profondément troublé. Mais je n’avais personne pour relever mon courage.

Cependant, l’état d’Amy étant tellement plus misérable, c’est-à-dire sa terreur de la tempête étant tellement plus grande que la mienne, que j’avais fort à faire pour la réconforter. Elle était, comme je l’ai dit, pareille à une insensée, et allait, affolée, par la cabine, criant qu’elle était morte ! qu’elle était morte ! qu’elle allait être noyée ! et autres choses semblables. À la fin, le navire ayant donné une secousse, sous la force, je suppose, de quelque violente vague, la pauvre Amy fut complètement renversée par terre, car le mal de mer l’avait déjà affaiblie ; et en tombant, la pauvre fille se cogna la tête contre ce que les marins appellent la cloison (bulk-head) de la cabine et resta étendue aussi morte qu’une pierre sur le plancher, ou pont ; du moins, elle avait toutes les apparences de l’être.

J’appelai du secours ; mais c’eût été exactement la même chose si j’avais crié au sommet d’une montagne où il n’y aurait eu personne à cinq milles à la ronde ; car les matelots étaient si occupés et faisaient tant de bruit que personne ne m’entendit ni ne s’approcha de moi. J’ouvris la porte de la grande cabine et regardai dans la chambre de l’avant afin de demander du secours ; mais là, pour comble d’épouvante, se trouvaient deux matelots à genoux et priant, et un seul homme à la barre ; et celui-là aussi faisait comme un bruit de murmure que je pris pour des prières qu’il récitait, mais il paraît qu’il répondait à ceux d’en haut lorsqu’ils le hélaient pour lui dire dans quelle direction gouverner.

Il n’y avait là de secours ni pour moi ni pour la pauvre Amy. Celle-ci était toujours étendue, et dans un tel état que je ne savais si elle était morte ou vivante. Dans cet effroi, j’allai à elle,