Page:Defoe - Lady Roxana.djvu/14

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fidélité ; mais néanmoins elle ne fut, à la fin, payée de tout cela qu’en mauvaise monnaie, comme on le verra en son lieu.

Amy (c’était son nom) me fit donc penser à envoyer dire à cette pauvre femme de venir me trouver. J’étais alors dans une grande misère, et je m’y résolus. Mais précisément le matin que j’avais l’intention de le faire, la vieille tante vint me voir, accompagnée de la pauvre femme. La bonne vieille dame paraissait être en grande inquiétude à mon sujet ; et elle avait encore parlé à ces gens, pour voir ce qu’ils pourraient faire pour moi, mais avec bien peu de résultat.

Vous aurez quelque idée de ma misère d’alors par la situation dans laquelle elle me trouva : j’avais cinq enfants dont le plus âgé n’avait pas dix ans, et pas un shilling dans la maison pour leur acheter des aliments ; mais j’avais envoyé Amy pour vendre une cuiller d’argent et rapporter quelque chose de chez le boucher, et j’étais dans un petit salon, assise sur le sol, avec un gros tas de vieux chiffons, de linge et d’autres objets autour de moi, examinant si je n’avais rien là dedans qui pût se vendre ou s’engager pour un peu d’argent ; et je pleurais jusqu’à éclater à force de sanglots, en songeant à ce que je ferais ensuite.

C’est à ce moment qu’elles frappèrent à la porte. Je crus que c’était Amy, et je ne me levai pas. Un des enfants alla ouvrir, et elles entrèrent aussitôt dans la chambre où j’étais et où elles me trouvèrent dans cette posture, sanglotant de toutes mes forces. Je fus surprise de leur arrivée, vous pouvez le croire, surtout en voyant la personne même que je venais de me décider à envoyer chercher. Mais quand elles me virent, avec la mine que j’avais, car mes yeux étaient enflés à force de pleurer, ainsi que l’état de la maison où je demeurais et les tas d’objets qui se trouvaient autour de moi, surtout quand je leur eus dit ce que je faisais, et pour quel motif, elles s’assirent, comme les trois consolateurs de Job, et ne me dirent pas un mot pendant un long espace de temps ; mais toutes les deux pleuraient aussi abondamment et aussi sincèrement que moi.

À la vérité, mon cas ne demandait pas beaucoup de discours ; les choses parlaient d’elles-mêmes. Elles me voyaient au milieu des haillons et de la saleté, moi qui, naguère encore, avais ma