Page:Defoe - Lady Roxana.djvu/159

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votre lit, ma chère, me dit-il, pourquoi ne voulez-vous pas me faire tout à vous et me prendre pour tout de bon, afin que nous puissions être heureux sans avoir de reproches à nous faire l’un à l’autre ? »

Je lui répondis que, de même que je lui avais avoué que c’était là la seule chose en quoi je ne pouvais lui complaire, de même c’était la seule de toutes mes actions dont je ne pouvais lui donner la raison. Il était vrai que je l’avais laissé partager mon lit, ce que l’on suppose être la plus grande faveur qu’une femme puisse accorder ; mais il était évident, et il pouvait bien le voir, que, sentant l’obligation que je lui devais pour m’avoir sauvée de la pire aventure où il me fût possible d’être jetée, je ne pouvais lui refuser rien ; si j’avais eu une faveur plus grande à lui céder, je l’aurais fait, le mariage seul excepté ; et il ne pouvait pas ne pas voir dans tous les détails de ma conduite envers lui que je l’aimais à un point extraordinaire ; mais quant à me marier, ce qui était abandonner ma liberté, c’était une chose qu’il savait que j’avais faite une fois, et il avait vu dans quelles vicissitudes cela m’avait entraîné et à quoi j’avais été exposée ; j’avais de l’aversion pour cet état et désirais qu’il n’insistât pas. Il pouvait aisément voir que ce n’était pas pour lui que j’avais de l’aversion ; et si j’avais un enfant de lui, il aurait un témoignage de ma tendresse pour le père, car je mettrais tout ce que je possédais au monde sur la tête de l’enfant.

Il resta muet longtemps. À la fin, il dit :

« Allons ! ma chère, vous êtes la première femme au monde qui ait jamais couché avec un homme et refusé de l’épouser ; par conséquent il faut qu’il y ait quelque autre raison à ce refus. J’ai donc une autre requête à vous faire, et la voici : si je devine la raison vraie et si je détruis vos objections, voudrez-vous me céder alors ? »

Je lui dis que s’il détruisait mes objections, il faudrait bien que je consentisse, car je ferais tout ce à quoi je ne verrais pas d’objections.

« Eh bien ! alors, ma chère, il faut, ou que vous soyez déjà fiancée ou mariée à quelque autre homme, ou que vous ne