Page:Defoe - Lady Roxana.djvu/221

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choses, sinon l’entière direction. Mais, dis-je, l’affaire fut menée par cette personne d’une manière si irrésistible que, comme je l’ai dit lorsque j’ai raconté le fait, il n’y avait pas à s’en défendre. Ces circonstances, je le répète, le démon non seulement les ménagea pour m’amener à céder, mais il les prolongea comme des arguments pour armer mon esprit contre toute réflexion et pour me maintenir dans cette horrible voie où je m’étais engagée, comme si elle avait été honnête et légitime.

Mais n’insistons pas là-dessus maintenant. C’était un prétexte, et il y a ici quelque chose à faire valoir, bien que je reconnaisse que cela n’aurait nullement dû suffire pour moi. Mais, dis-je, pour laisser cela de côté, toutes ces choses étaient loin de moi. Le diable lui-même n’aurait pas été maintenant capable d’établir un argument ni de mettre en ma tête une raison qui pût servir de réponse, non pas même de réponse échappatoire, à cette question :

Pourquoi étais-je encore une catin ?

J’avais eu pendant un temps comme une espèce de mauvaise excuse en étant engagée avec ce méchant vieux lord, parce que je ne pouvais en honneur le planter là. Mais combien il paraissait fou et absurde de prononcer le mot « honneur » en un si vil sujet ! comme si une femme devait prostituer son honneur par point d’honneur ! affreuse inconséquence ! L’honneur me sommait de détester le crime et l’homme avec, et de résister à toutes les attaques que, depuis le commencement, on avait dirigées contre ma vertu. L’honneur, s’il avait été consulté, m’aurait gardée honnête dès le début.

L’honnêteté, l’honneur, sont-ils pas même chose ?[1]

Ceci, toutefois, nous montre de quelles vaines excuses, de quelles niaiseries nous essayons de nous satisfaire, en étouffant les réclamations de la conscience, dans la poursuite de quelque faute agréable et dans la possession de ces plaisirs que nous répugnons à quitter.

Mais cette objection ne pouvait plus servir, car mylord

  1. « For honesty and honour are the same ».
    Littéralement : « Car l’honnêteté et l’honneur sont la même chose ».