Page:Defoe - Lady Roxana.djvu/232

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

et m’arriva avec armes et bagages, et que nous élûmes toutes deux notre domicile en cet endroit.

J’étais vraiment alors dans une retraite parfaite ; éloignée des yeux de tous ceux qui m’avaient jamais vue, et aussi peu exposée à ce que personne de la bande qui me suivait d’ordinaire, me vît ou entendît jamais parler de moi, que si j’avais été dans les montagnes du Lancashire ; car quand est-il jamais venu dans ces étroits passages des Minories ou des Goodman’s Fields une jarretière bleue ou un carrosse à six chevaux ? Et de même qu’il n’y avait point à les craindre, je n’avais réellement aucun désir de les voir, ni même d’en entendre parler aussi longtemps que je vivrais.

Il me semblait vivre dans une certaine confusion pendant les premiers temps, lorsque Amy allait et venait ainsi chaque jour. Mais quand cela fut fini, je menai une existence absolument retirée, auprès de la dame la plus aimable et la plus charmante. Je dois lui donner ce nom, car, toute Quakeresse qu’elle était, elle avait tout ce qui fait la bonne éducation, à un point qui lui aurait suffi, eût-elle été duchesse. En un mot, son commerce était, je le répète, celui de la personne la plus agréable que j’aie jamais rencontrée.

Je prétendis, après avoir demeuré là quelque temps, être extrêmement amoureuse de l’habit des Quakers, et elle en fut si contente qu’elle voulut absolument un jour m’habiller dans un de ses costumes. Mais mon vrai dessein était de voir si cela me déguiserait.

Amy fut frappée de cette nouveauté, bien que je ne l’eusse pas prévenue de mon projet. Lorsque la Quakeresse fut sortie de la chambre :

« Je devine votre intention, dit Amy. C’est un déguisement parfait pour vous. Vraiment, vous avez l’air d’une toute autre dame, et je ne vous aurais pas reconnue moi-même. Bien mieux ; cela vous fait paraître plus jeune de dix ans.

Rien ne pouvait me plaire davantage ; et Amy me l’ayant répété, je devins si éprise de ce costume que je demandai à ma Quakeresse (je ne veux pas l’appeler ma logeuse ; c’est un terme vraiment trop grossier pour elle, et elle mérite beaucoup mieux),