Page:Defoe - Lady Roxana.djvu/251

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d’être la cause de la venue au monde d’une misérable[1] de plus (ce fut son mot), s’il n’y avait pas été entraîné par l’espoir de me rendre sienne. Mais, s’il était possible de soustraire l’enfant aux conséquences de sa malheureuse naissance, il espérait que je lui en donnerais la liberté, et il me montrerait qu’il avait encore et les moyens et les sentiments pour le faire ; malgré tous les malheurs qui lui étaient survenus, rien de ce qui lui appartenait par le sang, surtout venant d’une mère à laquelle il s’intéressait si vivement, ne manquerait jamais de ce qu’il serait en position de faire pour lui.

Je ne pus entendre ceci sans en être sensiblement émue. J’étais honteuse qu’il montrât qu’il avait plus d’affection réelle pour l’enfant, bien qu’il ne l’eût jamais vu de sa vie, que moi qui l’avais porté ; car il est vrai que je n’aimais pas l’enfant, ni n’aimais à le voir. J’avais sans doute pourvu à ses besoins ; mais je le faisais par la main d’Amy, et je ne l’avais pas vu plus de deux fois en quatre ans, ayant résolu à part moi que, lorsqu’il serait grand, il n’aurait pas l’occasion de me donner le nom de mère.

Toutefois, je lui dis qu’on prenait soin de l’enfant, qu’il n’avait pas à en être inquiet, à moins qu’il ne me soupçonnât de lui porter moins d’affection que lui qui ne l’avait jamais vu de sa vie. Il savait ce que j’avais promis de faire pour lui, de lui donner les mille pistoles que je lui avais offertes et qu’il avait refusées. Je l’assurai que j’avais fait mon testament, et que je lui laissais 5,000 livres sterling avec l’intérêt jusqu’à ce qu’il fût majeur, si je mourais avant ce temps-là. Je voulais toujours maintenir ces bonnes dispositions à son égard ; mais, s’il avait le désir de le retirer de ma direction, je ne m’y opposerais pas ; et pour le convaincre que j’exécuterais ce que je disais, je lui ferais remettre l’enfant et aussi les 5,000 livres sterling pour son entretien, certaine qu’il se sentirait pour lui les sentiments d’un père, d’après ce que je voyais de sa tendresse à présent.

  1. Les mots en italique sont transcrits exactement du texte de Defoe. On sait que l’enfant est un garçon.