Page:Defoe - Lady Roxana.djvu/259

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qui sont devenues tout à fait insensées par orgueil, qui se sont figurées être reine et impératrice, obligeant leurs gens à les servir à genoux, donnant aux visiteurs leur main à baiser, et autres choses semblables ; car certainement si l’orgueil ne trouble pas un cerveau, rien ne le troublera.

Toutefois, la première fois que mon gentleman vint, je n’eus pas assez de courage, ou pas assez de méchanceté pour le traiter aussi rudement que j’avais résolu de le faire, et ce fut très heureux ; car peu après, je reçus une autre lettre d’Amy où se trouvait la nouvelle mortifiante, et vraiment surprenante pour moi, que mon prince (comme je l’appelais avec un plaisir secret) était très souffrant d’une blessure qu’il s’était faite à la chasse en attaquant un sanglier, exercice cruel et dangereux auquel, semble-t-il, les nobles d’Allemagne se plaisent grandement.

J’en fus réellement alarmée, d’autant plus qu’Amy m’écrivait que son gentilhomme était parti en toute hâte pour se rendre auprès de son maître, non sans l’appréhension de trouver qu’il était mort avant son arrivée ; mais il (le gentilhomme) lui avait promis qu’aussitôt arrivé il lui renverrait son courrier avec des détails sur la santé de son maître et sur la grande affaire. Il avait obtenu d’Amy l’engagement d’attendre son retour à Paris pendant une quinzaine, après qu’elle lui eût promis de se charger d’aller en Angleterre et de m’y trouver pour le compte de mon seigneur s’il lui en envoyait l’ordre ; il devait lui adresser un chèque de cinquante pistoles pour son voyage. En conséquence Amy me disait qu’elle attendait des nouvelles.

C’était un coup pour moi à différents points de vue : d’abord j’étais dans l’inquiétude à son sujet, ne sachant s’il était mort ou vivant ; et je n’étais pas indifférente à la question, je vous assure, car il me restait une inexprimable affection pour sa personne, sans parler de la façon dont cette affection était ravivée par l’espoir d’un intérêt plus solide ; mais ce n’était pas là tout, car en le perdant, je perdais pour toujours la perspective de tous ces plaisirs et de toute cette gloire qui avait fait une telle impression sur mon imagination.

D’après la lettre d’Amy, j’étais, je le répète, exposée à rester