Page:Defoe - Lady Roxana.djvu/303

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Cependant lorsque Amy se mit pour la seconde fois à parler ainsi abominablement de tuer la pauvre enfant, de l’assassiner, et jura par son Auteur qu’elle le ferait, de manière à me faire comprendre qu’elle parlait sérieusement, j’en fus terrifiée encore bien davantage, et cela m’aida à me rappeler à moi-même pour le reste.

Nous nous creusâmes la tête toutes les deux pour voir s’il était possible de découvrir par quel moyen elle avait appris à dire tout cela, et comment elle (j’entends ma fille) était venue à savoir que sa mère avait pris un mari ; mais rien n’y fit ; ma fille ne voulut convenir de rien, et ne donna qu’une explication très imparfaite des choses, extrêmement mal disposée qu’elle était contre Amy pour la manière dont celle-ci l’avait brusquement quittée.

Alors Amy alla à la maison où était le garçon. Mais ce fut la même chose. Là ils n’avaient entendu qu’une histoire confuse d’une dame quelconque, ils ne savaient qui, que cette même fille leur avait racontée, mais à laquelle ils n’avaient prêté aucune attention. Amy leur dit comme elle avait agi sottement, et jusqu’à quel point elle avait poussé son caprice, malgré tout ce qu’on avait pu lui remontrer : que, quant à elle, Amy, elle en était si fâchée qu’elle ne voulait plus la voir, et qu’elle pouvait même rentrer en service si elle voulait ; en tous cas, Amy ne voulut plus avoir à faire à elle, à moins qu’elle ne s’humiliât et ne changeât de ton, et cela sans tarder.

Le bon vieux gentleman, qui avait été leur bienfaiteur à tous, fut grandement contrarié de l’affaire, et la bonne dame, sa femme, se montra affligée au delà de toute expression ; elle pria Sa Grâce (c’était Amy qu’elle voulait dire) de ne pas en concevoir de ressentiment. Ils promirent en outre qu’ils lui parleraient à ce sujet, et la vieille dame ajouta, avec un certain étonnement :

« Bien sûr, elle ne peut être assez sotte pour ne pas se laisser persuader de se taire, lorsqu’elle tient de votre propre bouche que vous n’êtes pas sa mère, et qu’elle voit qu’elle désoblige Votre Grâce en insistant. »

Amy partit donc de là avec quelque espoir que la chose n’irait pas plus loin.