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Page:Defoe - Lady Roxana.djvu/349

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verraient plus ; et ainsi elle aurait la satisfaction de causer la ruine de son frère et de sa sœur, en même temps que la sienne propre.

La fille sembla un peu attendrie à cette idée, et dit que, pour elle, elle avait connu la plus noire adversité et qu’elle saurait chercher fortune ; mais il était dur que son frère et sa sœur dussent souffrir à cause d’elle ; et elle ajouta à ce propos certaines choses assez bonnes et tendres. Mais Amy lui déclara que c’était à elle à prendre cela en considération ; elle allait lui montrer que tout était entre ses mains : elle leur avait fait du bien à tous, mais, après avoir été traitée ainsi, elle ne ferait plus rien pour aucun d’eux ; et elle n’avait pas besoin d’avoir peur de revenir en sa compagnie, car elle ne lui en donnerait plus jamais l’occasion. Ce dernier point, soit dit en passant, était également faux de la part de la fille, car elle s’aventura encore dans la compagnie d’Amy, après cela, une fois de trop, comme je le raconterai à part.

Elles se calmèrent cependant un peu après, et Amy la mena dans une maison, à Greenwich, où elle était connue ; là, elle saisit une occasion de laisser la fille seule dans une chambre un instant, et de parler aux gens de la maison de manière à les préparer à la traiter comme si elle y demeurait. Puis elle revint vers la fille, et lui dit que c’était là qu’elle logeait, si elle avait envie de la trouver ou si quelque autre avait quoi que ce fût à lui dire. C’est ainsi qu’Amy la congédia et s’en débarrassa encore une fois. Ayant trouvé dans la ville une voiture de place vide, elle revint à Londres par terre, et la fille, descendant jusqu’à la rivière, revint par eau.

Cette entrevue ne répondait pas du tout au but d’Amy, parce qu’elle n’empêchait pas la fille d’exécuter son dessein de me pourchasser. Mon infatigable amie, la Quakeresse, l’amusa bien encore trois ou quatre jours ; mais à la fin, j’eus de tels renseignements que je crus bon de m’en aller aussitôt de Tunbridge. Où aller, je ne savais. Bref, j’allai à un petit village sur le territoire de la forêt d’Epping, appelé Woodford, et je pris un appartement dans une maison particulière où je vécus retirée pendant environ six semaines, jusqu’à ce que je crusse