Page:Defoe - Lady Roxana.djvu/35

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de retour dans trois heures au plus, et souperait avec moi. Il me pria toutefois de ne rien acheter, car, puisque je voulais me réjouir, ce qui était ce qu’il désirait par dessus tout, il m’enverrait quelque chose de Londres.

« Et nous en ferons notre souper de noces, ma chère, » dit-il. Et sur ce mot il me prit dans ses bras et me donna des baisers si ardents que je ne doutai pas qu’il n’eût l’intention de faire toutes les autres choses dont Amy avait parlé.

J’eus un léger mouvement de surprise au mot de noces.

« Que voulez-vous dire, d’appeler cela d’un tel nom ? m’écriai-je. Et j’ajoutai : — « Nous souperons ; mais l’autre chose est impossible, autant de votre côté que du mien. »

Il se mit à rire.

« Bien, dit-il ; vous l’appellerez comme vous voudrez ; mais il se pourra bien que ce soit la même chose, car je vous convaincrai que ce n’est pas aussi impossible que vous le faites.

» — Je ne vous comprends pas, dis-je. N’ai-je pas un mari, et vous une femme ?

» — Bien, bien, dit-il ; nous causerons de cela après souper. » Puis il se leva, me donna un autre baiser, et partit à cheval pour Londres.

Ce genre de discours m’avait mis le feu dans le sang, je le confesse ; et je ne savais qu’en penser. Il était clair maintenant qu’il avait l’intention de coucher avec moi ; mais comment il concilierait cela avec la légalité ou avec quelque chose qui ressemblât à un mariage, c’était ce que je ne pouvais imaginer. Nous avions l’un et l’autre traité Amy si familièrement et nous lui avions tellement confié tout, à cause des preuves que nous avions de sa fidélité sans exemple, qu’il ne se fit aucun scrupule de m’embrasser et de dire tout cela devant elle ; et même, si j’avais voulu le laisser coucher avec moi, il se serait soucié comme d’un liard d’avoir Amy présente toute la nuit. Lorsqu’il fut parti : — « Eh bien, Amy ! dis-je. Que va-t-il arriver de tout ceci, maintenant ? Il me passe des sueurs rien que d’y penser.

» — Ce qui va arriver, madame, dit Amy. Je vois ce qui va arriver ; c’est qu’il me faudra vous mettre au lit tous les deux ensemble ce soir.