Page:Defoe - Lady Roxana.djvu/353

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venue me trouver, et le récit qu’elle m’avait fait des importunités continuelles de ma fille auprès d’elle, et du guet qu’elle faisait à sa porte nuit et jour. La vérité était qu’elle avait mis un espion qui veillait si diligemment que jamais la Quakeresse ne rentrait ni ne sortait sans qu’elle en fût informée.

Ceci ne fut que trop évident lorsque le lendemain matin de son arrivée (car je l’avais gardée toute la nuit), à mon indicible surprise, je vis une voiture de place s’arrêter à la porte de la maison où je demeurais, et elle, ma fille, dans la voiture, toute seule. Ce fut une très bonne chance, au milieu d’une mauvaise, que mon mari eût pris le carrosse ce matin même et fût allé à Londres. J’étais si consternée que je ne savais ce que faire ni ce que dire.

Heureusement mon hôte eut plus de présence d’esprit que moi, et me demanda si je n’avais pas fait quelque connaissance parmi les voisins. Je lui dis que oui, qu’il y avait une dame, à deux portes plus loin, avec qui j’étais très intime.

« Mais n’as-tu aucune sortie par derrière, pour y aller ? » demanda-t-elle.

Or il se trouvait qu’il y avait dans le jardin une porte de derrière, par laquelle nous avions l’habitude d’entrer dans la maison et d’en sortir. Je le lui dis.

« C’est bon, dit-elle. Va faire une visite alors, et laisse-moi le reste. »

Je cours, et vais raconter à la dame (car c’était une maison où j’étais très libre) que je suis veuve pour la journée, mon époux étant allé à Londres, et que par conséquent, je ne viens pas pour lui faire une visite, mais pour passer la journée avec elle ; d’autant plus que notre propriétaire a reçu des étrangers de Londres. Ayant ainsi bien arrangé ce petit mensonge, je tirai quelque ouvrage de ma poche, en ajoutant que je ne venais pas pour ne rien faire.

Comme je sortais par un chemin, mon amie la Quakeresse allait recevoir par l’autre cette visite malencontreuse. La fille ne fit pas grandes cérémonies ; elle ordonna au cocher de sonner à la grille, sortit de la voiture et vint à la porte d’entrée. Une fille de la campagne appartenant à la maison, — car la