Page:Defoe - Lady Roxana.djvu/358

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arranger les choses de manière à présenter à mon mari mon voyage à Londres aussi naturellement que je l’aurais voulu, car il aimait l’endroit où nous étions et avait envie, disait-il, d’y séjourner encore un peu, si cela n’allait pas contre mon inclination. J’écrivis donc à mon amie la Quakeresse que je ne pouvais encore aller à la ville, et qu’en outre je ne pouvais supporter l’idée d’y être sous l’œil d’espions, et n’osant jamais regarder dehors. Bref, je différai de partir pendant près d’une autre quinzaine.

Au bout de ce temps, elle écrivit de nouveau. Elle me disait qu’elle n’avait pas vu de quelque temps l’impertinente visiteuse qui avait été si gênante, mais qu’elle avait vu mon fidèle agent, Amy, laquelle lui avait dit qu’elle avait passé six semaines à pleurer sans interruption. Amy lui avait raconté combien la fille avait été fâcheuse pour moi, et dans quelles difficultés et quelles extrémités j’avais été poussée par son obstination à me pourchasser et à me suivre de lieu en lieu. Ensuite Amy lui avait dit que, bien que je fusse en colère contre elle et que je l’eusse traitée si durement pour m’avoir dit à propos de cette fille quelque chose du même genre que ce qu’elle disait maintenant à la Quakeresse, il y avait absolue nécessité de s’assurer d’elle et de l’écarter de mon chemin ; bref, sans demander ma permission, ni la permission de personne, elle, Amy, prendrait soin qu’elle n’ennuyât plus sa maîtresse — c’est-à-dire moi — davantage. Elle ajoutait qu’après cette conversation d’Amy, elle n’avait, en effet, plus entendu parler de la fille, de sorte qu’elle supposait qu’Amy s’était arrangée de manière à mettre fin à tout.

L’innocente et bien intentionnée créature, ma Quakeresse, qui était toute tendresse et toute bonté, surtout à mon égard, n’avait rien vu dans tout cela. Elle pensait qu’Amy avait trouvé quelque moyen de lui persuader d’être tranquille et calme, et de renoncer à me harceler et à me suivre, et elle s’en réjouissait pour l’amour de moi. Comme elle ne songeait jamais au mal, elle ne soupçonnait le mal chez personne, et elle était extrêmement aise d’avoir de si bonnes nouvelles à m’écrire. Mais mes pensées, à moi, prirent une autre direction.