Page:Defoe - Lady Roxana.djvu/38

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vrance, entre les mâchoires de l’enfer, au pouvoir du diable véritable. J’aurais dû regarder tout le bien que cet homme m’avait fait comme l’ouvrage particulier de la bonté céleste, et cette bonté aurait dû me porter par reconnaissance au devoir et à l’humilité de l’obéissance. J’aurais dû recevoir la miséricorde avec gratitude, et en profiter avec discrétion, à la louange et en l’honneur de mon Créateur. Au contraire, dans cette vicieuse direction, toute la libéralité, toute la bonté de ce gentleman devenait pour moi un piège, n’était qu’un appât à l’hameçon du diable ; je recevais ses bontés au prix trop élevé de mon corps et de mon âme, engageant foi, religion, conscience et pudeur pour, je puis le dire, un morceau de pain ; ou, si vous voulez, je ruinais mon âme par reconnaissance ; je me livrais au démon pour me montrer reconnaissante envers mon bienfaiteur. Je dois rendre au gentleman cette justice de dire que je crois véritablement qu’il ne faisait rien qu’il ne pensât être légitime ; et je me dois à moi-même cette justice de dire que je faisais ce que ma propre conscience me représentait invinciblement, au moment même où je le faisais, comme horriblement illégitime, scandaleux et abominable.

Mais la pauvreté fut mon piège ; l’épouvantable pauvreté ! Le malheur dans lequel j’avais été, était assez grand pour faire trembler le cœur à l’appréhension de son retour. Je pourrais en appeler à tous ceux qui ont quelque expérience du monde, et demander si une personne aussi complètement dénuée que je l’étais de toute espèce de ressources et d’amis, soit pour m’entretenir, soit pour m’aider à le faire, pouvait résister à la proposition. Non que je plaide pour justifier ma conduite ; mais je le fais afin d’émouvoir la pitié même de ceux qui abhorrent le crime.

En outre, j’étais jeune, belle ; et, malgré toutes les humiliations que j’avais subies, j’étais vaine, et cela pas seulement un peu. C’était une chose aussi agréable que nouvelle d’être courtisée, caressée, embrassée, de m’entendre faire de grandes professions d’affection par un homme si aimable et si capable de me faire du bien.

Ajoutez que si je m’étais risquée à désobliger ce gentleman,