puis il le renvoya à Londres pour en chercher d’autres. Alors d’autres affaires lui tombèrent entre les mains d’une façon si inattendue, que je commençai à croire que nous allions établir là notre résidence ordinaire ; ce à quoi je n’étais pas très opposée, car c’était mon pays natal et j’en parlais parfaitement bien la langue. Nous prîmes donc une maison convenable à Paris, et nous y vécûmes fort bien. Je fis dire à Amy de venir nous trouver, car je menais une vie élégante, et monsieur fut deux ou trois fois sur le point de me donner une voiture ; mais je la refusai, surtout à Paris. D’ailleurs, comme on peut s’y procurer cette commodité à tant par jour, j’avais un équipage retenu pour moi toutes les fois qu’il me plaisait. Je faisais très bonne figure, et j’aurais même pu mener plus grand train, si cela m’avait convenu.
Mais, au milieu de toute cette félicité, un épouvantable désastre me frappa, qui mit toute mon existence hors de ses gonds et me rejeta dans la même condition où j’étais auparavant ; avec cette heureuse différence, cependant, que, tandis qu’auparavant j’étais pauvre jusqu’à la misère, je me trouvais maintenant, non seulement à l’abri du besoin, mais très riche.
Monsieur avait à Paris le renom d’un homme très opulent ; et il l’était en effet, bien qu’il ne le fût pas si immensément que les gens se l’imaginaient. Mais ce qui lui fut fatal, ce fut qu’il avait l’habitude, surtout lorsqu’il allait à la cour ou chez les princes du sang, de porter dans sa poche un écrin en chagrin, dans lequel il avait des joyaux de très grand prix.
Il arriva un jour que, devant aller à Versailles chez le prince de ***, il monta le matin dans ma chambre et déposa sa boîte à bijoux, parce qu’il n’allait pas pour en montrer, mais pour faire accepter une lettre de change étrangère, qu’il avait reçue d’Amsterdam. Il me dit, en me donnant la boîte :
« Ma chère, je n’ai pas besoin d’emporter ceci avec moi, parce qu’il se peut que je ne revienne qu’à la nuit, et ce serait trop risquer. »
Je répliquai :
« Alors, mon cher, vous n’irez pas.