qu’il espérait que je ne restais pas dans une condition fâcheuse ; que M. *** passait pour être très riche et qu’il avait dernièrement gagné beaucoup d’argent sur certains bijoux ; enfin, il espérait, répéta-t-il, que j’avais encore une fortune en rapport avec le rang que je tenais auparavant.
Je répliquai, avec quelques larmes qui, je le confesse, étaient un peu forcées, que je croyais que si M. *** avait vécu, nous n’aurions pas eu à craindre d’être dans le besoin ; mais qu’il était impossible d’évaluer la perte que j’avais essuyée, en outre de celle de mon mari. D’après l’opinion de ceux qui avaient quelques connaissances de ses affaires et du prix des joyaux qu’il avait l’intention de montrer à Son Altesse, il ne pouvait avoir sur lui une valeur moindre de cent mille francs. C’était un coup funeste pour moi et pour toute sa famille, et surtout que ce fût perdu de cette manière.
Son Altesse répondit, avec un air d’intérêt, qu’il en était très fâché ; mais qu’il espérait, si je me fixais à Paris, que je trouverais des moyens de rétablir ma fortune. En même temps, il me faisait compliment sur ma beauté, comme il lui plaisait de l’appeler, et sur ce que je ne pouvais manquer d’admirateurs. Je me levai et je remerciai humblement Son Altesse ; mais je lui dis que je n’avais point d’espérances de cette nature ; que je pensais être obligée d’aller en Angleterre pour veiller aux biens de mon mari, qu’on me disait y être considérables, mais que je ne savais pas quelle justice une pauvre étrangère pourrait trouver là-bas ; quant à Paris, avec une fortune si amoindrie, je ne voyais devant moi d’autre perspective que de retourner vers les miens dans le Poitou, où quelques-uns de mes parents, du moins je l’espérais, pourraient faire pour moi quelque chose ; j’ajoutai qu’un de mes frères était abbé à ***, près de Poitiers.
Il se leva, et me prenant par la main, me conduisit devant une grande glace qui faisait le trumeau de face du salon :
« Regardez, madame, dit-il. Convient-il que ce visage (il montrait mon visage dans la glace), s’en retourne au Poitou ? Non, madame ; restez, et faites le bonheur de quelque homme de qualité qui puisse, en retour, vous faire oublier tous vos chagrins. »