Page:Defoe - Lady Roxana.djvu/67

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

« Vous pouvez voir, dit-il, que je veux avoir encore votre compagnie ; car mon serviteur vous laissera ce plateau pour mon usage. »

Je lui dis que je croyais que Son Altesse ne prendrait pas en mauvaise part que je n’eusse pas ce qu’il fallait pour recevoir une personne de son rang, que j’en aurais grand soin, et que j’étais infiniment fière de l’honneur que me faisait Son Altesse en me venant voir.

Il commençait à se faire tard, et lui commençait à s’en apercevoir.

« Cependant, dit-il, je ne saurais vous quitter. N’avez-vous pas un logement de libre, pour une nuit ? »

Je lui dis que je n’avais qu’un logement bien simple pour recevoir un tel hôte. Là-dessus il me dit quelque chose d’excessivement aimable, mais qu’il ne convient pas de répéter, ajoutant que ma compagnie lui serait, d’ailleurs, une compensation.

Vers minuit, il donna une commission à son gentilhomme, après lui avoir dit à haute voix qu’il comptait passer ici la nuit. En quelques instants, ce gentilhomme lui apprêta une robe de chambre, des pantoufles, deux bonnets, un foulard de cou et une chemise, que le prince me donna à porter dans sa chambre ; et il renvoya son homme chez lui. Alors, se tournant vers moi, il me dit que je lui ferais l’honneur d’être son gentilhomme de la chambre et aussi son habilleur. Je souris, et lui répondis que je me ferais un honneur de lui rendre mes soins en toute occasion.

Vers une heure du matin, pendant que son gentilhomme était encore là, je lui demandai congé de me retirer, supposant qu’il allait se mettre au lit ; mais il comprit à demi mot, et me dit :

« Je ne me couche pas déjà. Je vous en prie, que je vous revoie encore. »

Je profitai de ce moment pour me déshabiller et revenir dans un nouveau costume, qui était en quelque sorte un déshabillé ; mais il était si élégant, et tout sur moi était si propre et si agréable à voir, qu’il en sembla surpris.

« Je croyais, dit-il, que vous ne sauriez vous habiller plus avantageusement que vous ne l’aviez fait tout à l’heure ; mais à présent vous me charmez mille fois plus, si c’est possible. »