question par une question, et demander comment moi et le prince en étions venus aussi à ce point d’intimité. Je cessai donc de m’en informer davantage ; et, au bout de quelque temps, elle me raconta tout, librement et d’elle-même. L’affaire, pour le faire bref, revenait simplement à ceci : telle maîtresse, telle servante ; comme ils avaient beaucoup d’heures de loisir ensemble, en bas, en attendant chacun de leur côté, lorsque son maître et moi nous étions ensemble en haut, ils ne pouvaient guère éviter de se poser l’un à l’autre la question d’usage ; à savoir, pourquoi ils ne feraient pas en bas la même chose que nous faisions en haut.
Là dessus, vraiment, comme je l’ai déjà dit, je ne pouvais trouver dans mon cœur le moyen d’être irritée contre Amy. J’avais peur, il est vrai, que la fille n’eût un enfant elle aussi ; mais cela n’arriva pas, et il n’y eût pas de mal de fait, car Amy avait déjà été initiée, aussi bien que sa maîtresse, et par la même personne, comme vous l’avez vu.
Lorsque je fus relevée et que mon enfant fut pourvu d’une bonne nourrice, comme, d’ailleurs, l’hiver approchait, il était convenable de songer à revenir à Paris ; ce que je fis. Mais comme j’avais maintenant un carrosse, des chevaux et quelques domestiques pour me servir, par la permission de mon seigneur et maître, je prenais la liberté de les faire venir à Paris quelquefois, et ainsi de faire un tour dans le jardin des Tuileries et autres lieux agréables de la ville. Il arriva un jour que mon prince (si je puis l’appeler ainsi) eut l’idée de me donner quelque divertissement et de prendre l’air avec moi. Mais, afin de pouvoir le faire et de n’être pas reconnu en public, il vint me trouver dans le carrosse du comte de ***, grand officier de la cour, et suivi de sa livrée ; de sorte qu’il était, en un mot, impossible de deviner à l’équipage qui j’étais et à qui j’appartenais. En outre, afin que je fusse plus effectivement cachée, il me commanda de me faire prendre chez une couturière où il venait quelquefois, — pour d’autres amours ou non ce n’était pas mon affaire de m’en enquérir. Je ne savais rien de l’endroit où il avait l’intention de me mener ; mais lorsqu’il fut dans le carrosse avec moi, il me dit qu’il avait donné l’ordre à ses domestiques d’aller