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MOLL FLANDERS

tous deux à nos repentailles ; je pleurai de tout cœur, et lui-même reconnut son chagrin ; mais c’est tout ce que nous pouvions faire l’un et l’autre ; et la route étant ainsi débarrassée, les barrières de la vertu et de la conscience renversées, nous eûmes à lutter contre moins d’obstacles.

Ce fut une morne sorte de conversation que nous entretînmes ensemble le reste de cette semaine ; je le regardais avec des rougeurs ; et d’un moment à l’autre je soulevais cette objection mélancolique : « Et si j’allais être grosse, maintenant ? Que deviendrais-je alors ? » Il m’encourageait en me disant que, tant que je lui serais fidèle, il me le resterait ; et que, puisque nous en étions venus là, ce qu’en vérité il n’avait jamais entendu, si je me trouvais grosse, il prendrait soin de l’enfant autant que de moi. Ceci nous renforça tous deux : je lui assurai que si j’étais grosse, je mourrais par manque de sage-femme, plutôt que de le nommer comme père de l’enfant, et il m’assura que je ne serais en faute de rien, si je venais à être grosse. Ces assurances réciproques nous endurcirent, et ensuite nous répétâmes notre crime tant qu’il nous plut, jusqu’enfin ce que je craignais arriva, et je me trouvai grosse.

Après que j’en fus sûre, et que je l’eus satisfait là-dessus, nous commençâmes à songer à prendre des mesures pour nous conduire à cette affaire, et je lui proposai de confier le secret à ma propriétaire, et de lui demander un conseil, à quoi il s’accorda ; ma propriétaire, femme, ainsi que je trouvai, bien accoutumée à telles choses, ne s’en mit point en peine ; elle dit qu’elle savait bien que les choses finiraient par en venir là, et nous plaisanta très joyeusement tous deux ; comme je l’ai dit, nous trouvâmes que c’était une vieille dame pleine d’expérience en ces