Page:Defoe - Moll Flanders, trad. Schowb, ed. Crès, 1918.djvu/152

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
131
MOLL FLANDERS

sortes d’affaires ; elle se chargea de tout, s’engagea à procurer une sage-femme et une nourrice, à éteindre toute curiosité, et à en tirer notre réputation nette, ce qu’elle fit en effet avec beaucoup d’adresse.

Quand j’approchai du terme, elle pria mon monsieur de s’en aller à Londres ou de feindre son départ ; quand il fut parti, elle informa les officiers de la paroisse qu’il y avait chez elle une dame près d’accoucher, mais qu’elle connaissait fort bien son mari, et leur rendit compte, comme elle prétendait, de son nom qui était sir Walter Cleave ; leur disant que c’était un digne gentilhomme et qu’elle répondrait à toutes enquêtes et autres choses semblables. Ceci eut donné bientôt satisfaction aux officiers de la paroisse, et j’accouchai avec autant de crédit que si j’eusse été réellement milady Cleave, et fus assistée dans mon travail par trois ou quatre des plus notables bourgeoises de Bath ; ce qui toutefois me rendit un peu plus coûteuse pour lui ; je lui exprimais souvent mon souci à cet égard, mais il me priait de ne point m’en inquiéter.

Comme il m’avait munie très suffisamment d’argent pour les dépenses extraordinaires de mes couches, j’avais sur moi tout ce qu’il peut y avoir de beau ; mais je n’affectais point la légèreté ni l’extravagance ; d’ailleurs connaissant le monde comme je l’avais fait, et qu’un tel genre de condition ne dure souvent pas longtemps, je prenais garde de mettre de côté autant d’argent que je pouvais, pour quand viendraient « les temps de pluie », comme je disais, lui faisant croire que j’avais tout dépensé sur l’extraordinaire apparence des choses durant mes couches.

Par ce moyen, avec ce qu’il m’avait donné, et que j’ai dit plus haut, j’eus à la fin de mes couches deux cents