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XV
PRÉFACE DU TRADUCTEUR

Flanders le même rôle que la relation d’Alexandre Selkirk pour Robinson Crusoé. C’est l’embryon réel que de Foë a fait germer en fiction. C’est le point de départ d’un développement qui a une portée bien plus haute. Mais il était nécessaire de montrer que l’imagination de Daniel de Foë construit le plus puissamment sur des réalités, car Daniel de Foë est un écrivain extrêmement réaliste. Si un livre peut être comparé à Moll Flanders, c’est Germinie Lacerteux ; mais Moll Flanders n’agit que par passion de vivre, tandis que MM. de Goncourt ont analysé d’autres mobiles chez Germinie. Ici, il semble qu’on entende retentir à chaque page les paroles de la prière : « Mon Dieu, donnez-nous notre pain quotidien ! » Par ce seul aiguillon Moll Flanders est excitée au vice, puis au vol, et peu à peu le vol, qui a été terriblement conscient au début, dégénère en habitude, et Moll Flanders vole pour voler.

Et ce n’est pas seulement dans Moll Flanders qu’on entend la prière de la faim. Les livres de Daniel de Foë ne sont que le développement des deux supplications de l’humanité : « Mon Dieu, donnez-nous notre pain quotidien ; — mon Dieu, préservez-nous de la tentation ! » Ce furent les paroles qui hantèrent sa vie et son imagination, jusqu’à la dernière lettre qu’il écrivit pour sa fille et pour son gendre quelques jours avant sa mort.