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MOLL FLANDERS

prenait soin de correspondre avec moi, car il m’écrivait une fois la semaine ; et quoique je n’eusse point dépensé mon argent si vite que j’eusse besoin de lui en demander, toutefois je lui écrivais souvent aussi pour lui faire savoir que j’étais en vie. J’avais laissé des instructions dans le Lancashire, si bien que je me faisais transmettre mes lettres ; et durant ma retraite à Saint-Jones je reçus de lui un billet fort obligeant, où il m’assurait que son procès de divorce était en bonne voie, bien qu’il y rencontrât des difficultés qu’il n’avait point attendues.

Je ne fus pas fâchée d’apprendre que son procès était plus long qu’il n’avait pensé ; car bien que je ne fusse nullement en condition de le prendre encore, n’ayant point la folie de vouloir l’épouser, tandis que j’étais grosse des œuvres d’un autre homme (ce que certaines femmes que je connais ont osé), cependant je n’avais pas d’intention de le perdre, et, en un mot, j’étais résolue à le prendre s’il continuait dans le même dessein, sitôt mes relevailles ; car je voyais apparemment que je n’entendrais plus parler de mon autre mari ; et comme il n’avait cessé de me presser de me remarier, m’ayant assuré qu’il n’y aurait nulle répugnance et que jamais il ne tenterait de réclamer ses droits, ainsi ne me faisais-je point scrupule de me résoudre, si je le pouvais, et mon autre ami restait fidèle à l’accord ; et j’avais infiniment de raisons d’en être assurée, par les lettres qu’il m’écrivait, qui étaient les plus tendres et les plus obligeantes du monde.

Je commençais maintenant à m’arrondir, et les personnes chez qui je logeais m’en firent la remarque, et, autant que le permettait la civilité, me firent comprendre qu’il fallait songer à partir. Ceci me jeta dans