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MOLL FLANDERS

de la nourriture des pensionnaires, et qu’en vérité elle ne pouvait y gagner beaucoup, mais que son profit était dans les autres articles de son entretien ; et elle gagnait assez en cette façon, je vous assure ; car il est à peine croyable quelle clientèle elle avait, autant en ville que chez elle, et toutefois le tout à compte privé, ou en bon français à compte de débauche.

Pendant que j’étais dans sa maison, qui fut près de quatre mois, elle n’eut pas moins de douze dames galantes au lit chez elle, et je crois qu’elle en avait trente-deux ou environ sous son gouvernement en ville, dont l’une logeait chez mon ancienne hôtesse de Saint-Jones, malgré toute la pruderie que celle-ci avait affectée avec moi.

Tandis que j’étais là, et avant de prendre le lit, je reçus de mon homme de confiance à la Banque une lettre pleine de choses tendres et obligeantes, où il me pressait sérieusement de retourner à Londres. La lettre datait presque de quinze jours quand elle me parvint parce qu’elle avait été d’abord envoyée dans le Lancashire d’où elle m’avait suivie ; il terminait en me disant qu’il avait obtenu un arrêt contre sa femme et qu’il était prêt à tenir son engagement avec moi, si je voulais l’accepter, ajoutant un grand nombre de protestations de tendresse et d’affection, telles qu’il aurait été bien loin d’offrir s’il avait connu les circonstances où j’avais été, et que, tel qu’il en était, j’avais été bien loin de mériter.

J’envoyai une réponse à cette lettre et la datai de Liverpool, mais l’envoyai par un courrier, sous couleur qu’elle était arrivée dans un pli adressé à un ami en ville. Je le félicitai de sa délivrance, mais j’élevai des scrupules