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MOLL FLANDERS

et je ne savais comment y répondre. À un moment, j’étais résolue à prendre le coche pour West-Chester, à seule fin d’avoir la satisfaction de revenir, pour qu’il pût me voir vraiment arriver dans le même coche ; car j’entretenais le soupçon jaloux, quoique je n’y eusse aucun fondement, qu’il pensât que je n’étais pas vraiment à la campagne.

J’essayai de chasser cette idée de ma raison, mais ce fut en vain : l’impression était si forte dans mon esprit, qu’il m’était impossible d’y résister. Enfin, il me vint à la pensée, comme addition à mon nouveau dessein, de partir pour la campagne, que ce serait un excellent masque pour ma vieille gouvernante, et qui couvrirait entièrement toutes mes autres affaires, car elle ne savait pas le moins du monde si mon nouvel amant vivait à Londres ou dans le Lancashire : et quand je lui dis ma résolution, elle fut pleinement persuadée que c’était dans le Lancashire.

Ayant pris mes mesures pour ce voyage, je le lui fis savoir, et j’envoyai la servante qui m’avait soignée depuis les premiers jours pour retenir une place pour moi dans le coche : elle aurait voulu que je me fisse accompagner par cette jeune fille jusqu’au dernier relais en la renvoyant dans la voiture, mais je lui en montrai l’incommodité. Quand je la quittai, elle me dit qu’elle ne ferait aucune convention pour notre correspondance, persuadée qu’elle était que mon affection pour mon enfant m’obligerait à lui écrire et même à venir la voir quand je rentrerais en ville. Je lui assurai qu’elle ne se trompait pas, et ainsi je pris congé, ravie d’être libérée et de sortir d’une telle maison, quelque plaisantes qu’y eussent été mes commodités.

Je pris ma place dans le coche, mais ne la gardai pas