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MOLL FLANDERS

— La dernière chose que vous dites est bien le cas, répondit-il.

— Mais vous pouvez vous tromper, dis-je.

— Non, non, dit-il, il ne faut pas que je sois refusé, je ne puis pas être refusé.

Et là-dessus il se mit à me baiser avec tant de violence que je ne pus me dépêtrer de lui.

Il y avait un lit dans la chambre, et nous marchions de long en large, tout pleins de notre discours. Enfin il me prend par surprise dans ses bras, et me jeta sur le lit, et lui avec moi, et me tenant encore serrée dans ses bras, mais sans tenter la moindre indécence, me supplia de consentir avec des prières et des arguments tant répétés, protestant de son affection, et jurant qu’il ne me lâcherait pas que je ne lui eusse promis, qu’enfin je lui dis :

— Mais je crois, en vérité, que vous êtes résolu à ne pas être refusé.

— Non, non, dit-il ; il ne faut pas que je sois refusé ; je ne veux pas être refusé ; je ne peux pas être refusé.

— Bon, bon, lui dis-je, en lui donnant un léger baiser : alors on ne vous refusera pas ; laissez-moi me lever.

Il fut si transporté par mon consentement et par la tendre façon en laquelle je m’y laissai aller, que je pensai du coup qu’il le prenait pour le mariage même, et qu’il n’allait point attendre les formalités. Mais je lui faisais tort ; car il me prit par la main, me leva, et puis me donnant deux ou trois baisers, me remercia de lui avoir cédé avec tant de grâce ; et il était tellement submergé par la satisfaction, que je vis les larmes qui lui venaient aux yeux.

Je me détournai, car mes yeux se remplissaient aussi