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MOLL FLANDERS

Ceci est trop près des premières heures de ma vie pour que je puisse raconter aucune chose de moi, sinon par ouï-dire ; il suffira de mentionner que je naquis dans un si malheureux endroit qu’il n’y avait point de paroisse pour y avoir recours afin de me nourrir dans ma petite enfance, et je ne peux pas expliquer le moins du monde comment on me fit vivre ; si ce n’est qu’une parente de ma mère (ainsi qu’on me l’a dit) m’emmena avec elle, mais aux frais de qui, ou par l’ordre de qui, c’est ce dont je ne sais rien.

La première chose dont je puisse me souvenir, ou que j’aie pu jamais apprendre sur moi, c’est que j’arrivai à être mêlée dans une bande de ces gens qu’on nomme Bohémiens ou Égyptiens ; mais je pense que je restai bien peu de temps parmi eux, car ils ne décolorèrent point ma peau, comme ils le font à tous les enfants qu’ils emmènent, et je ne puis dire comment je vins parmi eux ni comment je les quittai.

Ce fut à Colchester, en Essex, que ces gens m’abandonnèrent ; et j’ai dans la tête la notion que c’est moi qui les abandonnai (c’est-à-dire que je me cachai et ne voulus pas aller plus loin avec eux), mais je ne saurais rien affirmer là-dessus. Je me rappelle seulement qu’ayant été prise par des officiers de la paroisse de Colchester, je leur répondis que j’étais venue en ville avec les Égyptiens, mais que je ne voulais pas aller plus loin avec eux, et qu’ainsi ils m’avaient laissée ; mais où ils étaient allés, voilà ce que je ne savais pas ; car, ayant envoyé des gens par le pays pour s’enquérir, il paraît qu’on ne put les trouver.

J’étais maintenant en point d’être pourvue ; car bien