Aller au contenu

Page:Defoe - Moll Flanders, trad. Schowb, ed. Crès, 1918.djvu/25

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
4
MOLL FLANDERS

que je ne fusse pas légalement à la charge de la paroisse pour telle ou telle partie de la ville, pourtant, dès qu’on connut ma situation et qu’on sut que j’étais trop jeune pour travailler, n’ayant pas plus de trois ans d’âge, la pitié émut les magistrats de la ville, et ils décidèrent de me prendre sous leur garde, et je devins à eux tout comme si je fusse née dans la cité.

Dans la provision qu’ils firent pour moi, j’eus la chance d’être mise en nourrice, comme ils disent, chez une bonne femme qui était pauvre, en vérité, mais qui avait connu de meilleurs jours, et qui gagnait petitement sa vie en élevant des enfants tels qu’on me supposait être, et en les entretenant en toutes choses nécessaires jusqu’à l’âge où l’on pensait qu’ils pourraient entrer en service ou gagner leur propre pain.

Cette bonne femme avait aussi une petite école qu’elle tenait pour enseigner aux enfants à lire et à coudre ; et ayant, comme j’ai dit, autrefois vécu en bonne façon, elle élevait les enfants avec beaucoup d’art autant qu’avec beaucoup de soin.

Mais, ce qui valait tout le reste, elle les élevait très religieusement aussi, étant elle-même une femme bien sobre et pieuse, secondement bonne ménagère et propre, et troisièmement de façons et mœurs honnêtes. Si bien qu’à ne point parler de la nourriture commune, du rude logement et des vêtements grossiers, nous étions élevés aussi civilement qu’à la classe d’un maître de danse.

Je continuai là jusqu’à l’âge de huit ans, quand je fus terrifiée par la nouvelle que les magistrats (je crois qu’on les nommait ainsi) avaient donné l’ordre de me mettre en service ; je ne pouvais faire que bien peu de chose, où