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MOLL FLANDERS

ensemble ; et bien joyeux nous fûmes, quoique j’avoue que les remords que j’avais éprouvés auparavant pesaient lourdement sur moi et m’arrachaient de temps à autre un profond soupir, ce que le marié remarqua, et s’efforça de m’encourager, pensant, le pauvre homme, que j’avais quelques petites hésitations sur le pas que j’avais fait tant à la hâte.

Nous tînmes pleine réjouissance ce soir là, et cependant tout resta si secret dans l’hôtellerie, que pas un domestique de la maison n’en sut rien, car mon hôtesse et sa fille vinrent me servir, et ne permirent pas qu’aucune des servantes montât l’escalier. Je pris la fille de mon hôtesse pour demoiselle d’honneur, et envoyant chercher un boutiquier le lendemain matin, je fis présent à la jeune femme d’une jolie pièce de broderies, aussi jolie qu’on put en découvrir en ville ; et, trouvant que c’était une ville dentellière, je donnai à sa mère une pièce de dentelle au fuseau pour se faire une coiffe.

Une des raisons pour lesquelles notre hôte garda si étroitement le secret fut qu’il ne désirait pas que la chose vînt aux oreilles du ministre de la paroisse ; mais, si adroitement qu’il s’y prît, quelqu’un en eut vent, si bien qu’on mit les cloches à sonner le lendemain matin de bonne heure, et qu’on nous fit sous notre fenêtre toute la musique qui put se trouver en ville ; mais notre hôte donna couleur que nous étions mariés avant d’arriver ; seulement qu’étant autrefois descendus chez lui, nous avions voulu faire notre souper de noces dans sa maison.

Nous ne pûmes trouver dans nos cœurs de bouger le lendemain ; car, en somme, ayant été dérangés par les