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MOLL FLANDERS

cloches le matin, et n’ayant peut-être pas trop dormi auparavant, nous fûmes si pleins de sommeil ensuite, que nous restâmes au lit jusqu’à près de midi.

Je demandai à mon hôtesse qu’elle fît en sorte que nous n’eussions plus de tintamarre en ville, ni de sonneries de cloches, et elle s’arrangea si bien que nous fûmes très tranquilles.

Mais une étrange rencontre interrompit ma joie pendant assez longtemps. La grande salle de la maison donnait sur la rue, et j’étais allée jusqu’au bout de la salle, et, comme la journée était belle et tiède j’avais ouvert la fenêtre, et je m’y tenais pour prendre l’air, quand je vis trois gentilshommes qui passaient à cheval et qui entraient dans une hôtellerie justement en face de la nôtre.

Il n’y avait pas à le dissimuler, et je n’eus point lieu de me le demander, mais le second des trois était mon mari du Lancashire. Je fus terrifiée jusqu’à la mort ; je ne fus jamais dans une telle consternation en ma vie ; je crus que je m’enfoncerais en terre ; mon sang se glaça dans mes veines et je tremblai comme si j’eusse été saisie d’un accès froid de fièvre. Il n’y avait point lieu de douter de la vérité, dis-je : je reconnaissais ses vêtements, je reconnaissais son cheval et je reconnaissais son visage.

La première réflexion que je fis fut que mon mari n’était pas auprès de moi pour voir mon désordre, et j’en fus bien heureuse. Les gentilshommes ne furent pas longtemps dans la maison qu’ils vinrent à la fenêtre de leur chambre, comme il arrive d’ordinaire ; mais ma fenêtre était fermée, vous pouvez en être sûrs ; cependant